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đŽđđđÌđ đđŁđđđ đđđđđą đâđđđđđâŠ, đđđ đ đÌđđđđ đ”đŽđđžđșđđ đž (đđđđĄđÌ đ¶đđđđąđđđąđĄđđđđ 2011)
"Nous commémorons les horribles massacres du Rwanda d'avril 1994.
Une de nos anciennes qui a vécu de prÚs le génocide rwandais, puisqu'elle y a perdu une partie de sa famille, avait accepté de témoigner dans notre revue de 2019.
MalgrĂ© ce vĂ©cu traumatisant, RĂ©gine, comme d'autres, a rebondi et nous ne pouvons que saluer cette capacitĂ© de rĂ©silience extraordinaire. Ăcoutons-la Ă©voquer ses souvenirs et nous apprendre comment ses Ă©tudes l'ont aidĂ©e...et surtout, n'oublions jamais!"
"Je suis Rwandaise et Ă lâĂąge de 16 ans jâai survĂ©cu au gĂ©nocide grĂące aux cadavres des membres de ma famille qui sont tombĂ©s sur moi. Tout a commencĂ© dans la nuit du 6 avril 1994 quand lâavion qui transportait le prĂ©sident rwandais a Ă©tĂ© abattu. Je vivais Ă Kigali avec mon oncle (Bucyana), son Ă©pouse (Beckers Claire), leur fille (Katia) et mon petit frĂšre (Emmanuel).
Dans la nuit du 6 avril, beaucoup de gens nous ont téléphoné pour nous informer que les Tutsi se faisaient tuer un peu partout dans la ville de Kigali.
Le 7 avril, Claire a tĂ©lĂ©phonĂ© aux Casques bleus pour venir nous chercher parce quâils avaient commencĂ© Ă Ă©vacuer les Belges dans la ville de Kigali, ils ont dit quâil fallait attendre, quâils allaient nous donner des nouvelles.
Le 8 avril, les Interahamwe sont venus chez nous pour piller la maison, ils ont lancĂ© les grenades dans la propriĂ©tĂ© et ils nous ont dit quâils reviendraient nous tuer.
Claire a encore contacté les Casques bleus sans succÚs.
Pour finir, le 9 avril au matin, ils ont dit quâil fallait les rejoindre par nos propres moyens, car ils ne savaient pas venir nous chercher. Alors on sâest dit quâil fallait tenter quelque chose parce que si on restait Ă la maison on mourraitâŠautant mourir en essayant de partir.
En effet en dĂ©but dâaprĂšs-midi, on sâest organisĂ© avec nos amis et voisins Tutsi pour essayer de rejoindre les casques bleus. On a mis quelques affaires dans les voitures et quand on a ouvert le portail, on a vu une camionnette remplie de militaires et les Interahamwe qui arrivaient chez nous.
Notre voyage était terminé avant de commencer.
Ils nous ont sortis des voitures, ils ont vidĂ© tous nos bagages par terre, ils nous ont insultĂ©s, ils nous ont frappĂ©s avec un bĂąton en fer, aprĂšs ils nous ont reconduits dans la propriĂ©tĂ© et ils nous ont alignĂ©s les uns derriĂšre les autres. Pour donner un exemple, ils ont dit quâils allaient commencer par Claire parce quâelle Ă©tait Belge et que les Belges soutenaient les Tutsi. On lui a tirĂ© une balle dans la tĂȘte, elle est tombĂ©e dâun coup en arriĂšre. Quand jâai vu ça, je me suis allongĂ©e par terre pour ne pas voir la balle qui allait me tuer. Ils ont tirĂ© sur tout le monde, aprĂšs je les ai entendus dire quâil fallait bien regarder sâil y en avait encore qui respiraient. Je me suis dit "ça y est câest mon tour", ils ont encore tirĂ© beaucoup de balles, ils ont dit que tout le monde Ă©tait mort et puis, ils sont partis.
Jâai attendu un moment pour quâil nây ait plus personne et puis je me suis levĂ©e, je nâavais pas toute ma tĂȘte, je ne savais pas oĂč aller ni ce que je devais faire, jâĂ©tais couverte de sang de la tĂȘte aux pieds, je ne pouvais pas rester Ă la maison, je ne pouvais pas sortir car il y avait une barriĂšre des Interahamwe Ă cĂŽtĂ© de chez moi. Quand jâai fait quelques pas, jâai senti que quelquâun me suivait, jâai regardĂ© derriĂšre moi et jâai vu mon petit frĂšre qui Ă©tait encore en vie.
Je me suis dit quâil fallait quitter la propriĂ©tĂ© au plus vite avant que dâautres personnes ne nous retrouvent. Mon frĂšre et moi, sommes passĂ© Ă travers la clĂŽture qui sĂ©parait notre maison de la maison voisine pour voir oĂč on pouvait aller.
Nous n'avons pas Ă©tĂ© loin car câĂ©tait la folie dans les rues.
On a Ă©tĂ© frapper Ă la porte dâun de nos voisins que je ne connaissais pas, ils nâont pas voulu nous ouvrir et on a passĂ© la nuit dans leur toilette dâextĂ©rieur.
TĂŽt le matin le 10 avril, on a encore Ă©tĂ© frapper Ă leur porte, ils ont ouvert, dĂšs quâon est entrĂ© les gens de notre quartier arrivaient aussi chez eux pour voir si on nây Ă©tait pas cachĂ©s parce quâils ne nous avaient pas trouvĂ©s dans les cadavres.
Heureusement ils nâont pas insistĂ© pour fouiller la maison car notre voisin Ă©tait Hutu, ils lui ont fait confiance.
Notre voisin nous a cachĂ©s pendant deux mois, et puis câest devenu dangereux de rester chez eux. Il nây avait plus dâeau ni de nourriture et les bombes commençaient Ă tomber un peu partout dans la ville.
Comme notre voisin travaillait pour la Croix Rouge, on lui a proposĂ© dâamener sa famille Ă lâabri au centre de Croix Rouge mais il ne pouvait nous amener mon frĂšre et moi.
Notre voisin a contacté un ami à lui qui avait des bonnes relations avec les Interahamwe. Il nous a fait passer les barriÚres et il nous a conduits dans un camp de Hutus qui était en dehors de la ville de Kigali.
à partir de là , mon frÚre et moi, nous nous sommes débrouillés pour vivre et ne pas se faire tuer. Nous sommes restés dans ce camp pendant un mois, puisque début juillet 1994 le génocide a pris fin.
à ce moment-là , on a retrouvé la famille qui nous avait cachés, nous sommes retournés vivre chez eux pendant un certain temps.
AprĂšs, quelques membres de ma famille qui vivaient en Belgique ont appris quâon Ă©tait encore en vie. Notre cousin (le fils de Claire et mon oncle) et son Ă©pouse sont venus vivre au Rwanda, nous avons quittĂ© notre « famille dâaccueil »,nous sommes parti vivre avec eux.
Petit Ă petit, nous nous sommes habituĂ© aux changements, on a recommencĂ© les Ă©tudes et je me suis dit que plus tard je ferais les Ă©tudes dâinfirmiĂšre pour soigner et aider les gens. Quand on a quittĂ© le Rwanda en 2000 pour venir en Belgique, je nâavais pas encore fini mes Ă©tudes secondaires, mais je nâai pas abandonnĂ© mon rĂȘve de devenir infirmiĂšre, ça a Ă©tĂ© long mais jâai fini par le rĂ©aliser.
Aujourdâhui, je suis maman de six enfants et je travaille dans une maison de repos et de soins.
Mon mĂ©tier dâinfirmiĂšre mâa permis de me rapprocher des gens, dâĂȘtre Ă leur Ă©coute, câest pour moi une façon dâaider les autres et dâen prendre soin, câest ma deuxiĂšme famille.
Le gĂ©nocide Rwandais est une partie de mon histoire que je nâoublierai jamais, il y a tant de gens qui sont partis et moi je suis restĂ©e.
JâespĂšre que je vais continuer Ă avoir cette force positive qui mâaide Ă avancer dans ma vie. Je suis de tout cĆur avec toutes les personnes qui ont perdu les leurs, dans ces massacres."